Cap-Haïtien, Devant une foule en liesse rassemblée sur la place d’Armes pour le méga concert marquant les 77 ans de l’Orchestre Septentrional, l’émotion était palpable. Mais au cœur de cette fête musicale, un moment fort et inattendu s’est produit : Ti Carlo, l’un des chanteurs phares du groupe, a improvisé un message poignant en faveur de l’unité, en pleine interprétation du titre Poukisa n ap pale.

« Nou pa vle divizyon, se sèl Septen nou genyen », a-t-il déclaré, appelant à l’unité entre les différentes composantes de cette institution musicale, véritable pilier du patrimoine culturel haïtien.

Depuis plus de six ans, l’Orchestre Septentrional traverse une crise administrative profonde. Une scission s’est formée entre le PDG de l’orchestre, Ricot Pierre Louis, fils du légendaire maestro Ulrich Pierre, le conseil supérieur administratif et le collectif des héritiers des membres fondateurs de l’orchestre.

En 2018, Ricot Pierre Louis exprimait déjà son insatisfaction vis-à-vis du fonctionnement du conseil supérieur. Il annonçait alors vouloir prendre ses distances. Deux ans plus tard, en fin 2020, à la suite d’une assemblée regroupant les musiciens titulaires, Ricot a décidé de se retirer définitivement du conseil et de poursuivre la gestion de l’orchestre de manière autonome.

Cette décision a provoqué de vives tensions au sein du conseil et du collectif des héritiers, notamment ceux de Jacques Alto, autre figure fondatrice. En mai 2023, ces derniers ont d’ailleurs déposé un recours en justice contre Ricot Pierre Louis, l’accusant de gérer de manière personnelle et chaotique le lieu emblématique de l’orchestre, le Feu Vert Night Club, situé au Boulevard du Cap-Haïtien.

En janvier 2023, le conseil supérieur publiait un communiqué dénonçant plusieurs décisions unilatérales prises par Ricot, notamment la dissolution du conseil et la résiliation des contrats de trois musiciens : Eddy Devil, musicien titulaire, ainsi que les chanteurs Ricardo Maxime et Patrick Jules, pourtant actifs depuis plusieurs années.

Malgré cette crise de gouvernance, les prestations musicales du Septen restent solides, preuve de la résilience du groupe et de la passion de ses membres. Le concert anniversaire en est une preuve éclatante : les morceaux classiques, les nouveautés, l’énergie sur scène, tout était au rendez-vous.

Mais l’appel de Ti Carlo ne laisse personne indifférent. En s’adressant directement aux membres du groupe, à l’administration et au public, il rappelle que l’histoire du Septen ne peut s’écrire dans la division.

À l’heure où l’orchestre célèbre ses 77 ans d’existence, entre vents et marées, cette prise de parole sincère et courageuse pourrait bien marquer un tournant vers la réconciliation. L’héritage de Septen mérite mieux que les querelles internes : il mérite l’harmonie, au sens musical comme administratif.